Poésie française, américaine, rock

En France la langue évolue à peu près aussi vite qu’ailleurs, pas de doute. Mais il y a parfois de provocantes, d’étonnantes évolutions. Les phonèmes évoluent plus ou moins vite. On voise, on amuït, on diphtongue. Labia et lèvre, c’est le même mot, seulement le b et le v sont à deux stades d’évolution.

En France, il y a un mot qui a subi une étonnante, stupéfiante, fracassante révolution. Prenez en 1870 : avec Rimbaud, Ducasse, Mallarmé, Verlaine, poésie se prononçait POESIE.

Dans les années 20, un coup de surréalistes : subitement, en quelques semaines, on se met à prononcer COESIE. Etrange évolution du P en C !

Années 40-50-60, on prononce CONESIE – vous savez, c’est René Char surtout qui commence à parler comme ça, en mangeant les mots, en les grasseyant à la Heidegger. Un N s’est interposé, bizarre !

Vers 1960-70, évolution finale : le S est remplacé par un R, un second N apparaît: Bonnefoy prononce CONNERIE. Voilà comment la Connerie est peu à peu devenue un genre littéraire fort estimé, en France, à la faveur de glissements de lettres et de substitutions successives…

 

En Amérique, le terme POETRY est resté remarquablement stable. Un de ceux qui en ont fait, et de la meilleure, c’est Jim Morrison / James Douglas Morrison ; la première forme désigne le chanteur des Doors, la seconde l’homme de lettres, vous savez, celui qui est absent de la pourtant excellente Histoire de la littérature américaine. Notre demi-siècle. 1939-1989, de Pierre-Yves Pétillon, chez Fayard. Il est absent et très sous-estimé, mais il n’en est pas moins très bon, dans un style rock / rimbaldien. Il y aurait un grand éloge à faire de son talent ; fermez vos yeux cinq minutes, imaginez que vous venez de lire cet éloge, enfin rouvrez vos yeux : ça m’évite de me lancer dans une fastidieuse chronique, qui m’aurait obligé à démontrer par A plus B ce que je sais déjà par Z moins X.

Disons simplement qu’avec lui, avec Morrison, le rock est devenu plus poétique, et la poésie plus rock. Dans le sillage, d’ailleurs, s’engouffrèrent quelques rocks-stars-poets de bonne qualité, tels que:

Patti Smith, par exemple dans Babel (avec une 4è de couverture signée par D Aussenac du Matricule des Anges)

Kurt Cobain, avec les lyrics des quatre albums de Nirvana

Nick Cave, avec un joli roman éblouissant et un peu facile, Et l’âne vit l’ange, et avec ses lyrics dansKing Ink

Brian Molko, avec les lyrics de Placebo,

etc etc.

Mais de loin, le meilleur est Morrison. Il y a, à son propos, un silence tout à fait assourdissant. Personne ne le connaît dans le monde littéraire. Mais, cependant, si vous êtes ou avez été lecteur de l’Infini, la revue de Sollers (ce charbon né diamant), vous en avez peut-être lu sans le savoir. Pourquoi ? Parce que, tout simplement, un numéro de l’Infini accueillait un plagiat en bonne et due forme. Un plagiat texto, cash, à la brutale, signé d’un autre nom, mais j’avais vite reconnu mon cher auteur Morrison, – et je veille sur ses restes.

Maintenant donc, sans autre commentaire, lisez juste ces deux textes courts que vous pourrez retrouver dans un des volumes traduits que publie Chr. Bourgois :

Texte publié dans la revue Eye

et

ODE A L.A., EN SONGEANT A FEU BRIAN JONES

et rappelez-vous du nom: ce n’est pas Toni Morrison, et ce n’est pas l’usurpateur de l’Infini : c’est James Douglas Morrison, chanteur de rock et de blues, penseur du cinéma, et poète.

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