Faut-il aimer la France ? NON.

A l’occasion du déménagement fiscal de Gérard Depardieu qui préfère garder ses millions, les politiciens de gauche s’indignent : Oh, cet homme n’aimerait pas suffisamment la France !

Cette accusation aux relents chauvins rappelle l’expression sarkozyste : « La France tu l’aimes ou tu la quittes ». En 2008, juste après l’élection d’un fasciste à la Présidence de la République, dans la droite ligne du 21 avril 2002 (Chirac/Le Pen, le combat des truands), j’ai quitté cette France qui me dégoûte, sans intention d’y revenir. Personnellement, je n’ai pas de millions à cacher, mes motivations n’ont donc rien de fiscal. Tout simplement, je n’aime pas la France et je ne pense pas qu’on puisse l’aimer beaucoup. Voici quelques arguments qui justifient qu’on n’aime pas la France.

D’abord, c’est une nation traîtresse à ses valeurs. Elle a dit Liberté Egalité Fraternité, mais 200 ans après la Révolution les écarts de richesse sont plus énormes que jamais, des dizaines de milliers de personnes dorment dans la rue, des millions de foyers vivent sous le seuil de pauvreté, et une partie de la population, « issue de l’immigration », est stigmatisée quotidiennement et à grande échelle par les politiciens, les journalistes, et les citoyens français. Honte à eux.

C’est une nation qui a assassiné des peuples et des cultures partout dans le monde. Une nation qui a fait sa fortune sur la traite triangulaire des esclaves (Europe->Afrique->Amériques) et sur la colonisation militaire et l’extermination des élites – élites algériennes, indochinoises, guyanaises, etc etc. De nombreuses villes françaises doivent leurs existence et leur taille à tous les trafics dégoûtants liés à la colonisation : des villes comme Marseille, Bordeaux ou Nantes et La Rochelle, ne se sont développées que sur le crime, la traite négrière. Mr Ayrault en sait quelque chose, le port de Nantes dont il est Maire servait justement à envoyer des bateaux vers l’Afrique puis les Amériques. Qui peut en être fier ?

Loin d’être reconnue comme une honte nationale et punie, la colonisation française a été proclamée « bienfait » : cf la Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, qui affirme entre autres que « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit » (article 4, alinéa 2). Les petits-enfants des criminels ont simplement justifié le crime, un peu comme si l’Allemagne nazie victorieuse avait proclamé les bienfaits du génocide juif et de l’opération T4 d’extermination des malades mentaux. La France avait proclamé les Droits de l’homme en 1789. Son État, ses militaires, ses citoyens, ont trahi leurs valeurs et se sont ridiculisés pour l’éternité dans les deux siècles qui ont suivi, qui ont été des moments de crimes de longue durée contre l’humanité. La France reste une meurtrière impunie qui a conservé les biens qu’elle a volés au monde. D’ailleurs la France héberge et intègre aujourd’hui des millions de personnes issues de ses ex-colonies – des algériens, des comoriens, des vietnamiens, etc etc. Les traite-t-elle bien ? C’est de notoriété publique que la France est un pays resté raciste et où l’intégration des ressortissants d’autres cultures fait problème. Les scores du FN et de l’UMP ne sont qu’un élément parmi beaucoup d’autres. J’ai grandi avec pour amis des gens nommés Omar (fils d’immigrés algériens), Sacha (fils d’immigrés yougoslaves à l’époque), José (fils d’immigrés portugais) etc. J’ai eu honte de la manière dont mon milieu social français les traitait. Plusieurs personnes dans ma famille traitent les arabes de « bougnoules », ce qui est une insulte courante des Français aux Arabes. Ces Français sont des ignorants misérables, et qui font des victimes. La Francophonie pourrait être une chance : on a essaimé notre langue dans le monde arabe, en Afrique noire, en Asie, en Océanie. Cela pourrait donner de formidables échanges, à condition qu’on veuille bien nous aussi parler d’autres langues que la nôtre (moi, j’ai passé avec succès ma première année de Diplôme d’Université de Langue et Civilisation Arabo-Musulmane à l’Université Montpellier III en 2002 !!! Je fais ce que je dis et je dis ce que je fais !) Or on n’en fait rien, car la francophonie est en fait basée sur le racisme français. Comme il n’y a plus de domination officiellement possible, cette francophonie végète. Qu’a fait la France avec les pays du Maghreb depuis le Printemps arabe ? Bien peu de choses. Où sont les échanges culturels entre la France et le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Lybie, l’Egypte ? Cela se résume à du paternalisme et du mépris. Qui, dans ce pays, a lu comme je l’ai fait les nombreux tomes d’une des œuvres romanesques les plus remarquables de l’humanité, j’ai nommé le Roman de Baybars (ou Baïbars) ? Qui en a entendu parler ? L’enseigne-t-on en Lettres ? On l’a édité en français mais ça s’arrête là. Tous les aspects de l’art et de la culture arabo-musulmane ou autre sont totalement négligés et inconnus de ces ignorants de Français qui ne sont pas du tout ouverts au dialogue inter-culturel. Doit-on être fiers de se croire grands quand on est minuscules ? Où est-elle dans les faits cette ouverture d’esprit et cet universalisme qu’on nous vend à l’école dans les cours d’humanités ? Foutre, c’est pour la gloriole mais en réalité, c’est faux. Comme écrivain, je suis un des seuls à ma connaissance à écrire en me basant sur des cultures de partout et pas seulement sur les cultures dominantes occidentales. Le christianisme comme l’Islam comme le bouddhisme se retrouvent dans mes livres, et les littératures européennes, asiatiques, américaines/amérindiennes, arabes. Je n’ai guère de succès, car on n’aime pas tellement l’universalisme en France. L’autobiographie autocentrée d’un quelconque journaleux parisien (par ex, Philippe Labro) se vend bien mieux qu’une exploration du monde par l’esprit.

Économiquement, la France fait peine à voir. Elle accumule les erreurs stratégiques de grande ampleur. Elle développe le nucléaire et s’y accroche stupidement, faisant courir un risque à toute l’humanité. D’abord en avance sur la question des ordinateurs, de l’Internet et des droits numériques dans les années 1970-1980 (Minitel, fondation de la CNIL en 1978), elle perd rapidement cette avance. Elle perd ses constructeurs de hardware, se recycle dans les logiciels et jeux vidéo, et se vautre encore une fois. Dans l’informatique actuelle, peu de choses viennent de France. Tout le hardware et tout le software sont américano-chinois. Pour écrire, enregistrer, filmer, designer, faire des sites, etc, 95% des technologies qu’on utilise en France ont été inventées et financées hors de France. La France – son Etat comme sa société civile – ont fait preuve d’incompétence, d’archaïsme et d’un manque cruel de lucidité lors de l’informatisation. Cela ne semble pas monstrueusement difficile d’avoir un gouvernement qui aide et soutienne une filière informatique hardware et software tellement plus importante pour la culture que toute l’industrie automobile sauvée en 2008-2009 à coups de milliards. Encore faudrait-il que les Français comprennent l’intérêt de maîtriser ses outils de production et de communication : il semble qu’après 30 ans d’informatique, la France n’ait toujours pas bien compris le sujet !!! Il n’y a qu’à voir comment les ministères de l’Education Nationale, de la Culture et de la Communication, ont, depuis toujours, oublié de soutenir le logiciel libre et ardemment équipé les écoles et lieux publics d’ordinateurs américains et de logiciels… Microsoft. Quand la vague numérique a déferlé sur le monde, la France a préféré payer des milliards de dollars aux Américains plutôt que d’investir le 10è de cette somme dans l’Open Source ou à défaut dans une industrie sur laquelle on aurait du contrôle, au lieu de se faire dominer. La France avait l’occasion de distribuer à ses citoyens des logiciels de base gratuits et accessibles. Il aurait suffi de payer des développeurs pour fabriquer du Libre. Le contribuable français aurait ainsi payé un minimum pour avoir des outils de production et de communication utilisables par tous ses citoyens et par le monde entier. Notre chère langue française y aurait évidemment gagné. Mais a-t-on vu un quelconque soutien public de la France en faveur, par exemple, d’un logiciel comme SPIP ? Non, la France a carrément raté le coche et ne s’est montrée digne que d’être colonisée et dominée par une informatique venue d’ailleurs.

Culturellement, la France est aujourd’hui une nation peu créative, très colonisée par la culture des Etats-Unis, et qui dépend énormément de l’extérieur pour sa survie. L’Éducation Nationale à la française n’arrive qu’à assurer un niveau d’éducation en dessous de la moyenne européenne, selon un rapport récent. J’en témoigne, le niveau était faible, j’ai détesté ce système anti-intellectuel et abêtissant. La vie intellectuelle, artistique, scientifique française actuelle n’a rien de folichon. Où sont les grands écrivains, les grands cinéastes, les grands compositeurs, les grands psychologues ? Les autres pays consomment relativement peu de culture française, parce que celle-ci produit peu de choses de grande valeur. Elle copie la culture américaine dominante, sans vraiment représenter une alternative. Il n’y a rien de très aimable là-dedans.

Alors que l’État français a été un des moteurs de la formidable épopée de la construction européenne, une expérience unique au monde de regroupement démocratique de 6, 9, 12, 25, 27 pays, les Français sont connus à l’extérieur pour ne rien parler d’autre que le français. Depuis 50 ans les choses bougent peu. La France est nulle en langues, même l’anglais elle a du mal. Elle a un puissant voisin, l’Allemagne, dont elle ne parle quasiment pas la langue et avec qui, pour cette raison, il y a très peu d’échanges. Cette situation lamentable est à la fois le fruit de la nullité du système d’éducation et de la médiocrité de l’esprit français cocardier, chauvin, vous savez, « ces imbéciles heureux qui sont nés quelque part » que chantait Georges Brassens. A Berlin, quand j’organisais des soirées et qu’il y avait des français, j’avais souvent honte d’eux : invités à discuter par des gens de partout, Finlande, Portugal, États-Unis, etc, ils n’arrivaient souvent qu’à baragouiner quelques mots – d’un mauvais anglais. Moi, je n’aime pas la France mais je suis un écrivain français qui parle anglais, italien, allemand, et un peu d’espagnol. J’aime ma langue, c’est vrai, passionnément, mais j’aime aussi toute autre langue. J’ai aussi fait 1 an d’arabe, curieux de la langue et de la culture de ceux que mon pays maltraite et calomnie chaque jour partout en France.

Environ 10 millions de personnes vivent en HLM. C’est l’État français lui-même qui exploite des millions de pauvres. Je suis persuadé que l’État se fait de l’argent sur les pauvres qu’il héberge, j’avais entrepris une étude indépendante là-dessus et les données me semblent coller. J’avais pris pour exemple les bâtiments où j’ai grandi, des HLMs pourris (détruits il y a quelques années pour insalubrité : c’était déjà pourri dans mon enfance !!) : j’ai cherché leur date de construction, dans les années 60, et l’indice du coût à la construction. J’ai obtenu leur coût de construction, puis estimé leur coût de maintenance. J’ai enfin calculé le nombre de pauvres hébergés et donc le produit des loyers, même réduits. Le bilan sur 50 ans d’exploitation est largement bénéficiaire. Des bâtiments sans qualité exploités même à bas loyer pendant des décennies finissent par être largement rentabilisés. Sous prétexte de charité, la France exploite la misère, c’est ma thèse !! On devrait aimer ça ?

La France est aussi la reine de l’hypocrisie. Elle prétend œuvrer inspirée par des valeurs humanistes, mais elle se fait régulièrement condamner par l’Europe pour mauvais traitements envers les immigrés, les Roms, les demandeurs d’asile, etc. C’est un des pays les plus riches du monde, avec un taux d’obèses qui grimpe continuellement. Un pays qui se gave de richesses, sans partager même entre ses propres citoyens, et sans partager avec le monde qu’elle a exploité si longtemps et exploite toujours. C’est laid.

En France, même des libertés de base ne sont pas accordées. Voulez-vous aller, un soir, une nuit, boire quelques bières dans un parc public ? Désolé, c’est interdit par les lois et les mœurs françaises : après 18h en hiver, le Parc Longchamps à Marseille est FERMé. Même l’espace « public » urbain n’est pas si public que ça. « Pelouse interdite », c’est complètement absurde. A Berlin, les parcs n’ont pas de portes et ils sont un incroyable lieu de vie sociale et de toutes sortes de loisirs qui vont du fresbee au nudisme en passant par le volley, le badmington, le foot, le jogging, la consommation d’herbe et… les barbecues. En France, la police interviendrait pour interdire des jouissances bien innocentes. Ce rapport aux parcs, à la nature et à l’espace public, caractérise l’esprit français actuel : borné, étriqué, embourgeoisé.

Voilà, ce ne sont que quelques raisons parmi d’autres. Il y a peu de choses aimables en France actuellement. A Berlin, je suis beaucoup plus libre que je ne l’ai jamais été en France. J’ai plus de droits économiques et de facto, j’ai plus de libertés pour tout : la fête, les drogues, la culture. Berlin compte par exemple 180 musées là où la 2è ville de France où j’ai habité pendant presque 4 ans, Marseille, n’en a qu’une poignée, et des mauvais, en plus (le Musée d’Art Contemporain est nul !!) J’ai vécu en France à Chaumont, Grenoble, Nancy, Montpellier, Lille et Marseille : je n’ai vraiment aimé aucune de ces grandes villes françaises toutes aussi bêtement provinciales les unes que les autres. Berlin vote 75% à gauche, quand la France des 10 dernières années a voté fasciste aux Présidentielles deux fois sur trois. Je ressens ma nationalité française plutôt comme une honte que comme une fierté. Le pays de TF1, de France télévisions et de M6, le pays de Sarkozy, de Le Pen, de Copé, le pays des classes de 30 élèves, le pays de Total et d’Orange, ce n’est pas mon pays. Je t’emmerde, France, et je te renie.

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