Lettre publique aux violeurs – appel à témoignages

Salut violeur, je t’imagine déjà surpris devant un tel titre et un tel projet, car tu n’as pas l’habitude qu’on s’adresse à toi si directement et si franchement.

On parle de toi régulièrement dans la presse, 1 fois sur 10 tu te fais choper et tu passes en jugement, tu es condamné ou non, tes agressions sont prouvables ou non. La plupart du temps tes victimes se taisent, elles ne te parlent pas et elles ne parlent pas de toi, elles font en sorte la plupart du temps de t’oublier, et constatent que finalement tu es quelqu’un d’inoubliable.

Il est rare au contraire qu’on cherche à nouer avec toi un dialogue, et c’est pourtant mon intention ici. Victime de toi à plusieurs reprises, je dois faire l’effort de surmonter ma répulsion et ma haine et je me sens l’obligation de mettre en œuvre même à ton égard ces valeurs humanistes en lesquelles j’ai foi même si tes agressions et d’autres crimes subis et vus m’ont également rendu profondément misanthrope et sceptique devant les vices du genre humain.

Je ne donne pas dans l’essentialisme – attends, c’est un mot compliqué, je t’explique : l’essentialisme, cher violeur, c’est l’idée que les êtres (n’importe quel être, un homme, un arbre, un poisson, une roche, une étoile) sont déterminés par des « essences » ou encore des « idées » qui existent avant eux. Ainsi, selon un philosophe essentialiste, avant qu’un poisson existe il existerait l’idée ou l’essence du poisson, et – c’est là où je veux en venir – avant qu’un violeur existe il existerait l’essence d’un violeur.

Quoique fondamentalement stupide, cette conception essentialiste des choses et notamment de ceux qui font « le mal » était celle de monsieur Nicolas Sarkozy par exemple, qui n’est pas censé, en théorie, tenir les propos les plus abjects, mais qui le fait quand même, et qui a soutenu l’idée totalement débile dans une interview en 2005 je crois, par là, comme quoi la pédophilie – la forme la plus répandue de viol, je crois – était d’origine génétique, ce qui revient à dire qu’avant le pédophile, il y a l’idée, ou plutôt ici le génome, le développement potentiel, du pédophile. On pardonnera à monsieur l’ex-Président de n’avoir jamais été qu’un nain intellectuel au pays des Lumières ; ou en fait, non, on ne lui pardonnera jamais, tiens ! Pour revenir à ton cas, je crois donc que c’est une simple vérité scientifique : on ne nait pas violeur, on le devient, et par ailleurs, même si ça fait beaucoup de peine de le dire et de le savoir, il y a un violeur potentiel en chacun de nous, les hommes. Par-là, je reconnais ta pleine humanité, violeur, c’est bien laid, mais c’est comme ça.

Je vais te proposer quelque chose, violeur. Tu vois, un souci de justice fondamental m’anime. Je suis absolument contre toute peine de mort et toute autre punition dégradante envers la personne humaine (au passage, sache que tu as de la chance d’être un violeur européen, les lois sont plutôt humanistes ici, ce n’est pas le cas partout, il y a plein de pays où tu finirais pendu, le cou tranché ou le corps électrocuté – certes il y a aussi des pays où tu es simplement la norme et où personne ne vient te reprocher tes ignominies, on a vu les viols en Égypte ou au Congo ou en Chine par exemple…) Je crois que si Hitler n’avait pas eu la lâcheté de se suicider après son incroyable fiasco, il aurait fallu le juger, mais pas le pendre, et je trouve les Alliés cruels d’avoir exécuté tous ces hauts-fonctionnaires et hauts-responsables nazis dont l’emprisonnement à vie aurait pu apporter à l’humanité des informations très précieuses sur la capacité ou non qu’ont les personnes maléfiques à finir par accéder à des sentiments tels que la honte de soi, le regret, le reniement de ses vices, et autres dans le genre. Tu vois, c’est vrai que je ne t’aime pas et que je ne passerai pas ma vie à combattre les comportements comme le tien, mais je dois le respect à la personne humaine qui est en toi, espèce d’enflure.

Ta personne humaine, elle m’apparait bien rabougrie, pauvre diable… mais je repense à cette époque, récente ou lointaine, où tu as été un bébé vulnérable et aimant, où tu as été peut-être un enfant plein de vie. Je repense à ces faits de viol ou d’agression dont, on le sait, tu as toi-même souvent été victime dans ton enfance, ton adolescence ou ton âge adulte, même si parfois tu n’as rien subi et tu as simplement été un assaillant en « pleine possession de ses moyens… » si je puis dire. Il n’était pas écrit que tu deviendrais qui tu es, c’est le fruit d’une lamentable série d’événements je crois !

Ma proposition, violeur, consiste à te donner la parole, ici sur mon site. N’aie pas peur, ce n’est pas un piège, je te jure sur l’honneur que je te garantis l’anonymat et que je n’essaierai pas, par exemple, de traquer ton IP. Tu risques sans doute des poursuites si tu donnes des éléments identifiants, il faut que tu réfléchisses un peu à ma proposition en ton âme et conscience ou que tu trouves un moyen de me faire passer ta parole d’une manière sécurisée pour toi dans le cas où tu ne veux pas te faire choper et juger. Il est possible aussi que tu veuilles te dénoncer pour te faire arrêter, sanctionner et soigner, ça me semblerait beau de ta part et tes victimes d’une certaine manière s’en sentiraient probablement reconnaissantes quelque part. Je sais, je rêve un peu, mais c’est pas interdit, de rêver.

En fait voilà, je t’explique le fond de ma pensée. Je me dis que par définition, tu es celui dont on n’entend pas et n’écoute pas la parole sauf très rarement dans les conditions judiciaires et thérapeutiques où tu te retrouves pris la plupart du temps de force et contre ton gré – un peu comme si justice et médecine violaient ta volonté – mais elles, elles ont le droit, tu vois. Et je me dis que, comme la parole d’Hitler ou des nazis ou d’autres criminels contre l’humanité en nous, tu as ton mot à dire, il est juste de te laisser la parole à un moment, car, je pense, c’est bien malheureux mais tu es aussi une victime de ton propre comportement violent et abusif. En effet, souvent, c’est plus fort que toi, tes pulsions t’emportent, te rendent fou, te mettent dans tous tes états, te font faire des choses dans un état de conscience trouble – ou pas ? – bref j’aimerais que tu puisses nous parler de tout ça, te confier à nous comme tu parlerais à un psychanalyste ou à quelqu’un en qui tu as confiance – si tu arrives à avoir confiance en quelqu’un, je ne sais pas si ça t’arrive.

En effet, qu’est-ce que tu ressens, avant, pendant, après une de tes attaques sur un enfant, un petit garçon, une petite fille, un ou une adolescent-e, une femme, ou même un homme, c’est rare mais ça arrive, parfois tu violes un homme adulte, un gay parfois, un hétéro d’autres fois. Je voudrais savoir – pardon, c’est intime, mais bon, tu nous en as fait voir d’autres, des transgressions de l’intimité – j’aimerais savoir ce que tu ressens à ces moments-là, quelles sont les idées qui te traversent la tête, quelles sont les émotions qui te font battre le cœur ? Tu sais, pour nous, le fait de savoir des choses comme ça, d’avoir ton témoignage là-dessus de l’intérieur de ta propre tête, de ton propre corps, de ta « propre » bite, ça nous aiderait à te comprendre et donc finalement à nous protéger contre toi, et aussi, et peut-être surtout, à trouver des moyens de te soigner, de t’écouter, et de t’empêcher de nous assassiner moralement pour la vie entière avec ton désir fou qui ne tient aucun compte de notre refus d’avoir des relations sexuelles avec toi.

Si tu voulais, tiens, j’ai un moyen à ta disposition qui te garantit la sécurité. Tu peux m’envoyer un message à paul.personne2012@gmail.com. Tu peux écrire longuement et dire tout ce que tu as sur le cœur. Quand je recevrai ton message je le mettrai à disposition de tous sur ce site, d’accord ? Marché conclu ? Pour une fois qu’on essaye de se mettre d’accord sur une sorte de relation où on consent tous les deux, ça serait vraiment un progrès et, je le redis, quelque chose de beau, que tu arrives à surmonter ta probable honte et à nous parler, nous dire peut-être la torture que c’est pour toi d’être qui tu es et de faire ce que tu fais – je n’ose pas imaginer que tu en ressentes vraiment un plaisir constant, si ? aucune trace de culpabilité, avant/pendant/après ? Vraiment, je suis curieux de tes états d’âme et je pense que pas mal de monde serait intéressé aussi à entendre ton témoignage personnel et honnête, le plus honnête possible. Vas-y, trouve en toi un peu plus de courage que d’habitude.

Voilà, j’ai fini d’écrire ce message, j’espère que tu répondras favorablement à ma demande. Je n’arrive pas à employer aucune formule de politesse sincère donc je te dis juste : à plus. Donne-nous des nouvelles.

Ludovic, une des victimes de toi comme problème de santé publique n°1.

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